Édith-Claire Gérin (#11)

Au fur et à mesure que sont numérisées et publiées les photographies, les fonds patrimoniaux nous donnent accès à de véritables pépites. Sans bouger de chez nous, il est possible de consulter de nombreux documents, mais aussi de se laisser aller à contempler un art qui n’était pas encore reconnu de manière unanime à l’époque où les œuvres ont été immortalisées.

Pyramide et Palais du Louvre
Édith Gérin, Quai Saint-Michel et pont Saint-Michel, 1950-1955, (BHVP)

À ce titre, les photographies réalisées par Édith Gérin constituent un exemple probant. Connue des spécialistes, j’espère que sa postérité dépassera ce cercle très restreint. Sa biographie est peu bavarde, mais nous avons la chance d’avoir une fiche Wikipédia assez complète. Édith Elisabeth Claire Libert – qui deviendra donc Édith-Claire Gérin – est née à Kuntzig le 12 août 1910. Toutefois, son enfance se déroula loin de cette commune mosellane annexée par l’Allemagne. Elle passa sa jeunesse à Paris, y fit ses études secondaires puis supérieures. Formée au droit, elle se spécialisa dans le journalisme économique et social.

Comme l’évoque ladite fiche Wikipédia, Édith Gérin « n’a jamais pratiqué la photographie à titre professionnel ». Son travail consista surtout à capturer des ambiances sans prétention, surtout parisiennes, mais aussi franciliennes et cathares. Le résultat est plutôt réussi. Si elle n’entendait pas se positionner en tant que photographe professionnelle et encore être catégorisée comme « photographe humaniste », Édith Gérin a toujours défendu le rôle que la photographie pouvait revêtir. Il serait intéressant de savoir si elle a pu documenter son travail et sa manière d’appréhender la photographie. Quoiqu’il en soit, elle a adhéré à de nombreuses sociétés de photographie pour promouvoir ce support, dont le Groupe des XV (1946) ou le Photo-club du Val de Bièvre (début des années 1950), qu’elle a fréquenté durant plus de 30 ans. À travers les décennies, Gérin a saisi l’instant, parfois banal, parfois effervescent, comme lors des évènements de mai 1968, toujours avec une esthétique soignée.

D’après les quelques informations disponibles sur Wikipédia, une exposition lui a été consacrée en 2007-2008 par la Bibliothèque nationale de France (BnF). Néanmoins,  Si l’on recherche ses clichés sur les moteurs de recherche, de nombreux résultats renvoient vers des sites de vente aux enchères. Ses épreuves prennent de la valeur, notamment ceux dont le flou artistique rappellent l’âge d’or du pictorialisme. En plus de la BnF, les photographies d’Édith Gérin sont conservés dans d’autres institutions, dont le Centre Georges-Pompidou, la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (BHVP), le Musée Carnavalet ou encore la Bibliothèque Marguerite-Durand.

Édith Gérin, Paris. Le pont-Neuf emballé par Christo, 1985 (BHVP).

Sur internet, quelques photographies d’Édith Gérin sont visibles sur le site internet de la BHVP, dont le lecteur embarqué permet d’en partager quelques unes dans cet article (EDIT : le chargement de la page web reste malheureusement long à cause du lecteur). D’autres photographies, conservées au Musée Carnavalet, peuvent être visible sur la plateforme Paris Musées Collections. Par ailleurs, quelques autres clichés sont accessibles sur le site internet Roger-Viollet. Le site Paris en Images propose une compilation de ces photographies conservées et mises en ligne par les diverses institutions. Enfin, concernant la BnF, la notice d’autorité Data.bnf d’Édith Gérin propose une liste détaillées des clichés conservés, sans toutefois les proposer (pour l’instant) sous forme numérisée sur Gallica.

Édith Gérin s’éteint le 2 mai 1997 à Paris, dans le 13ème arrondissement. Elle laisse comme traces de nombreux moments de vie parisiens, traversant les décennies avec un œil et une sensibilité poétiques. Comme les photographes de Paris devenus cultes, tels Charles Marville et Eugène Atget, elle a pu donner à voir les changements urbanistiques de la capitale. Son appartenance au Club des XV la rapproche de photographes réunis dans le but de promouvoir la photographie comme art, avec un souci de sauvegarde du patrimoine photographique français. On peut légitimement rapprocher son style à celui de Robert Doisneau, également membre du Club et dont les clichés ont connu une postérité bien méritée. Le cerveau étant souvent en ébullition lorsqu’il s’agit de comparer, il est tentant de rapprocher le nom de Gérin à d’autres, notamment Brassaï et la qualité de ses clichés pris dans l’instant sans artifice, mais aussi Janine Niepce, qui mérite devrait avoir droit, comme celui-ci, à un article à part entière. Enfin, certaines photographies, mettant en exergue la géométrie et les formes de l’environnement urbain, rappellent à la fois les photographies de vitrines par Eugène Atget et le mouvement de la Nouvelle Objectivité, notamment incarnée par Albert Renger-Patzsch. La dernière photographie ci-dessous témoigne de cette relative filiation.

Chaises empilées au jardin du Luxembourg (6e)

Photographie d’illustration : Montmartre, Paris, vers 1960.

 

Alexandre Wauthier