Kim Oki – 김오키 (#18)

Comme beaucoup de découvertes musicales, je ne me rappelle plus très bien commun je me suis retrouvé avec du Kim Oki dans les oreilles. En tout cas, il s’agit, pour moi, de l’un des musiciens contemporains les plus polyvalents et intéressants.

Kim Oki (김오키) est un saxophoniste et clarinettiste sud-coréen. Selon les rares informations biographiques disponibles en ligne, il est originaire de la province de Gyeonggi (경기도), au nord-ouest du pays, non loin de la capitale, où sa famille réside depuis plusieurs générations. « Oki » est un nom de scène et s’inspirerait le l’archipel japonais Okinawa Il semble avoir été influencé par la musique et la danse hip-hop avant de focaliser sa création musicale sur le jazz et le saxophone (SeoulBeats). S’il a l’air d’avoir été rapidement adoubé par la scène musicale indépendante coréenne, Kim Oki demeure encore assez peu connu du public occidental. Heureusement, le distributeur Poclanos (포크라노스) permet aux oreilles non asiatiques d’être irriguées de musiques coréennes indépendantes, également appelée k-indie. C’est aussi l’occasion de mettre en scène des clips musicaux, dévoilant un peu plus Kim Oki aux yeux du monde, comme avec Cotard’s Syndrome (코타르 증후군), sorti en 2019 :

Cet article ne prétend pas à l’historicité – qui demeurerait utopique – ou à la présentation exhaustive de l’œuvre de Kim Oki. Il entend néanmoins proposer un panel et une sélection subjective de son travail. Le musicien-multifonction coréen a longtemps collaboré avec d’autres noms de la scène musicale de son pays, avant de proposer de régulières parutions en son propre nom. Les sorties récentes de Kim Oki ont été signées sur le label BTPrecords (=봉식통신판매), basé à Paju (파주시), également dans la province de Gyeonggi (경기도). Difficile de l’étiqueter comme « jazzman » uniquement, puisqu’il semble intéressé par un panel très large de genres musicaux.

@donmansuki

Mes archives musicales laissent penser que ma découverte de Kim Oki remonte à la toute fin de l’année 2019. À l’époque, son album Saturn Meditation (새턴메디테이션), paru en 2018, avait retenu mon attention. On y trouvait la caractéristique principale du jeu de Kim Oki : un saxophone langoureux qui se noie volontiers dans un océan d’autres notes proposées par un piano (Chin Sooyoung – 진수영) et une contrebasse (Sumin Jung – 정수민). Soit dit en passant, ses deux acolytes ont été tant productifs que talentueux, en sortant chacun leur album en 2020, avec, à l’envi, la collaboration de Kim Oki (Night, Water Light – qui comprend l’incroyable morceau Crumble – ; Sense of Agony). La gradation tranquille et mélancolique du morceau Homicide peut témoigner de ce triangle musical symbiotique :

Il s’agit bien d’un trait caractéristique de sa musique. Bien qu’il soit celui qui sied le mieux à mes oreilles, il n’est pas pour autant exclusif : on trouve d’autres morceaux de Kim Oki faisant davantage appel à des éléments électroniques, surtout cet album, mais aussi sur le suivant, Spirit Advance Unit (스피릿선발대), sorti en 2019. Cotard’s Syndrome, dont le clip apparaît en premier dans cet article, est issu de cet album. On retrouve ce style calme lors de la session acoustique joliment captée ci-dessous, où le piano de Chin Sooyoung (진수영) montre toute sa puissance :

Poursuivant cet élan, Kim Oki continue à explorer différentes productions musicales. Il y a toujours quelques pépites à collecter à travers ses albums et ses collaborations. Sur son dernier album sorti le 29 mars 2021 et intitulé Eveytime, il semble même avoir un pied dans la k-indie, un autre dans la k-pop. Poclanos (포크라노스) a fait paraître son album complet, accompagné de dessins animés. Le quatrième morceau, comportant un doux nom français, constitue l’essence de ce modèle jazz-indie-pop :

Le 28 avril 2021, soit quelques jours après l’écriture de cet article, il publie sur son compte YouTube un clip pour le morceau Radiant Wave empli de quiétude, figurant sur son dernier album.

De nombreuses collaborations seraient à relever ici, toutes aussi intéressantes les unes que les autres. Son instrument de prédilection apparaît toujours de manière discrète pour se dévoiler tout au long du morceau. Cette approche intimiste est une signature que l’on retrouve par exemple sur un titre de Nuz, dont le reste de l’album est également très intéressant (dont le premier morceau) :

Il existe aussi un album où le saxophoniste est crédité en tant que Kim Oki Saturnballad, cette planète étant vraisemblablement au cœur du processus créatif. Le morceau Love Starved (사랑받고싶어) nous plonge dans un univers spatial mélancolique, toujours avec ce triangle musical saxo-contrebasse-piano (issu de l’album Kwak Orchestra – 곽경수 오케스트라, 2020). Enfin, l’artiste kang a collaboré avec Kim Oki pour le morceau céleste Heavenly, incorporant un peu plus d’éléments électroniques dans la production (Single paru en 2020). Face à la complexité de l’œuvre musicale de Kim Oki, j’ai moi-même passé une soirée entière à écumer ses albums et collaborations afin d’élaborer une playlist renfermant mes morceaux favoris :

Kim Oki – 김오키

[Update] À noter également sa remarquable participation à l’album Amoeba Culture Presents “THEN TO NOW” (2020). Il n’est toutefois pas crédité sur Spotify, mais apparaît bien en tant que « Kimoki Saturnballad » (김오키 새턴발라드). Je n’évoque pas cette partie, mais Kim Oki a également un rôle prolifique dans le jazz d’avant-garde aux sonorités un peu plus abrasives, notamment à travers son groupe Electro Hustler (전기사기꾼) ou The South Korean Rhythm Kings (더 사우스 코리안 리듬 킹스), rappelant inconsciemment d’autres projets occidentaux comme Naked City. On trouve le nom de Kim Oki également dans les crédits du premier album de Park Jiha joueuse traditionnelle de piri entourée d’un orchestre d’instruments traditionnel coréen (dont de merveilleux saenghwang et yanggeum) ainsi que dans l’une de ses vidéos.

@donmansuki
Chin Sooyoung, Sumin Jung et Kim Oki (Poclanos)

Les deux compères de Kim Oki, Chin Sooyoung (진수영) et Sumin Jung (정수민), mériteraient d’avoir un article à part entière leur étant destiné. Également diffusés par Poclanos, leurs créations musicales n’ont rien à envier à celles de Kim Oki, quelques liens intéressants :

  1. Chin Sooyoung (진수영) – Night, Water Light (밤, 물 빛)
  2. Sumin Jung (정수민) – Sense of Agony (통감)
  3. Sumin Jung (정수민) – Rest (At Rest) (쉼 (영면))
  4. Sumin Jung (정수민) – Gangnam 478 feat. Kim Oki  – (강남 478 feat. 김오키)
  5. Sumin Jung (정수민) – Gangnam 478 (강남 478) – Sinchon Electronics Live (신촌전자라이브)
  6. Sumin Jung (정수민) – Sense of Agony (통감) – Sinchon Electronics Live (신촌전자라이브)
Kim Oki, Chin Sooyoung et Sumin Jung (Poclanos)

Edit 29 décembre 2021 : coup de cœur pour deux morceaux de Paraphrase, l'album de  
Chin Sooyoung (진수영) sorti en 2021 : Years Ended In Minutes et Dreamcatcher.

Edit 8 avril 2022 : sortie de l'album Greeting, avec un énorme coup de cœur
pour le très doux morceau To my star (나의 별에게).

Edit 12 décembre 2022 : sortie de l'album Love Flower, avec deux bons morceaux :
Shine Like a Sunlight, qui l'initie, et Milk Tea, qui le clôt.

Edit 5 janvier 2024 : collaboration de Kim Oki avec Madlib et WRKMS sur le titre :
Mounds, Knlls.

Liens utiles :

Alexandre Wauthier