Le photographe César (#35)

Il y a quelques semaines, j’ai enfin visité, pour la première fois, le musée Rodin, profitant de la gratuité du premier dimanche du mois. L’occasion de découvrir comment l’œuvre du sculpteur français était montrée, au regard de sa biographie dont le génie vorace n’a pas laissé que de bons souvenirs. Dans ce musée, au-delà de Rodin, on trouve quelques tableaux remarquables, dont une salle, petite, qui propose notamment deux Van Gogh (Le Père Tanguy ; Les Moissonneurs) et un Monet (Belle-Ile-en-Mer). Hormis ces œuvres picturales éblouissantes, on trouve aussi de nombreuses œuvres de Camille Claudel (1864-1943), élève sculptrice d’Auguste Rodin (1840-1917) puis artiste à part entière. Malgré les 24 années de vie qui séparent le maître et son élève, ils entamèrent une passion tumultueuse, aujourd’hui bien documentée et dont Camille Claudel eut à souffrir, au point de vouloir arrêter de créer, de s’isoler puis d’être internée, selon la volonté de sa famille, dans un asile. En effet, dès 1915, elle fut admise à l’asile d’aliénés de Montdevergues, à Montfavet (Vaucluse), où elle resta jusqu’à sa mort en 1943. En 1914, Rodin, vieillissant, commence à léguer ses œuvres et sa collection à l’État ; il demande à ce qu’une salle du futur musée, qui portera son nom, soit dédiée à Camille Claudel. Ce souhait sera finalement concrétisé lorsque son frère, le poète Paul Claudel, léguera dans les années 1950 quatre œuvres majeures de sa sœur. Cette idylle Rodin-Claudel ainsi que la biographie de la sculptrice ont fait couler beaucoup d’encre : dans la presse, dans le milieu médical et la psychiatrie, ou encore dans la fiction. Aujourd’hui, le musée Rodin (Paris) et le musée Camille Claudel (Nogent-sur-Seine), se partagent les plus grandes collections publiques de cette artiste.

Portrait de Camille Claudel par le photographe César, vers 1884, épreuve sur papier albuminé, Ph.00527, Musée Rodin.

Lors de ma visite au musée Rodin, close par un passage obligé à la boutique, je trouve plusieurs cartes postales, dont celle d’une photographie de Camille Claudel, celle ci-dessus. Le regard candide, l’immaculée jeunesse qui trahit l’innocence d’une force créatrice juvénile ne demandant qu’à croitre, je ne sais pas. Quoi qu’il en soit, amplifiée par sa biographie, la force de cette photographie de Camille Claudel qui nous regarde droit dans les yeux revêt un côté glaçant. D’un point de vue pictural, je retiens la couleur de ses yeux clairs, fixés sur l’objectif et qui pourtant semblent ailleurs. Le cliché rappelle celui d’un Arthur Rimbaud tout aussi juvénile, réalisé par Carjat en 1871. Ironie de l’histoire, l’original a été perdu, mais une copie de 1912 fait partie des collections publiques (Bibliothèque nationale de France), grâce à la succession de… Paul Claudel. Qui a réalisé cette photographie ? Au verso de la carte postale du musée Rodin, on lit « César ». C’est tout. Cette photographie est très utilisée sur Wikipédia pour illustrer cette figure de la sculpture dont l’œuvre n’a été redécouverte que tardivement. Toutefois, l’auteur du cliché n’apparaît que sous le nom de « César ». Je saisis l’occasion de me lancer dans quelques recherches que je synthétiserai ici puisqu’elles m’ont intéressées et qu’elles donnent un peu d’informations qui n’existent pas encore sur la toile, alors que le cliché est très souvent utilisé pour illustrer les biographies de Camille Claudel.

Grâce à la magie d’internet, on trouve rapidement trois sources biographiques :

  • Le site internet du Musée Rodin donne quelques informations supplémentaires, notamment le nom complet de César : « Ignace André César Watroslaw (Vatroslav), dit César DE SéEGNER ». On apprend aussi que le cliché a fait son entrée dans les collections en 1916, soit un an avant la mort de Rodin, URL : https://collections.musee-rodin.fr/fr/museum/rodin/portrait-de-camille-claudel/Ph.00527. Ce n’est pas la seule photographie de César donnée au musée, 16 items sont disponibles, représentant soit le portrait de Camille Claudel, soit un buste de Victor Hugo, soit la statue Ève dans l’atelier, de face et de dos. Sur ces deux photographies, on y voit un filtre de texte faisant office de publicité pour l’atelier de « Photographie César », comprenant tarifs et types de prestation. On devine ensuite son adresse : 30 rue Delambre, dans le 14ème arrondissement de Paris. Une question demeure : qui a commandité ces photographies ? Rodin lui-même ? Le portrait de Camille Claudel servait-il de modèle pour être sculpté (voir Rodin et la photographie) ? Les clichés des sculptures servaient-elles de sauvegarde visuelle, comme ce le fut pour Édouard Manet ? Il apparaît que, d’après un article du Musée Rodin, le portrait de Camille Claudel « vient des collections personnelles de Rodin ».

Ce changement de profession, tel que décrit pour qualifier l’activité de César en 1880 et en 1894, montre un lien fort entre artiste peintre et photographe, à une époque où la seconde était souvent une profession chargée de palier le manque de reconnaissance de la première. Difficile de trouver trace de peintures réalisées par César, y compris concernant son éventuelle formation à Paris. Selon les annuaires et almanachs de Paris, son atelier est sis au 56 boulevard Edgar Quinet en 1882, puis au 30 rue Delambre en 1886, 1891, 1892 et 1893. Son nom figure dans l’Annuaire Général et International de la Photographie de 1892, à la rubrique « Syndicat Général De La Photographie » (Nineteenth Century Collections Online, LWBQUU118515257).

Un site internet vient compléter ces informations institutionnelles précieuses : le site internet photo-carte.com, qui propose à la consultation « plus de 26.000 photo-cartes de visite et la possibilité de télécharger des fichiers images haute définition« . Deux produits en vente répondent à la requête « SEEGNER », malheureusement non datés : le premier est un « Nu aux perles. Femme allongée nue« , avec une photographie accompagnée d’un encadré « Photographie des Beaux-Arts, 39 rue Saint-Placide, Atelier de pose, 30 rue Delambre, Paris, Ancienne maison CÉSAR ». Pour le moment, impossible de trouver un lien direct entre César et cette première adresse dans les archives. Le second produit est un « Portrait d’une jeune femme (fille?) sans bijou« . Ce document est intéressant puisqu’au verso de ce portrait se trouve une carte de visite montrant les tarifs exercés par César à l’époque où son atelier se trouvait au 58 boulevard Edgar Quinet. On retrouve la même typographie en transparence que sur les photographies recto-verso de l’Ève de Rodin, ainsi que les mêmes descriptions et tarifs, plus nets ici :

Carte de visite de César, non datée (première moitié des années 1880), photo-carte.com

Avec toutes ces informations, il est relativement facile de retrouver l’acte de mariage mentionné dans la minute notariale. André-César de Séegner est identifié comme artiste-peintre, demeurant au 27, rue de Seine (Archives de Paris, Mariages, 1880, 6ème arr., V4E 3225, acte 861 p. 29). Il est né à Sussak le 29 janvier 1855. L’acte d’état civil situe cette île située au nord de la mer Adriatique en Autriche-Hongrie. Pourtant, ce royaume ne fut officiellement créé qu’en 1867, il s’agissait donc de l’Empire d’Autriche. L’île est aujourd’hui dénommée Sušak et appartient à la Croatie. César Séegner est le fils majeur d’Antoine de Séegner, commissaire militaire, et de Louise Kniewald, demeurant à Fiume, nom italien d’une ville de l’Empire autrichien se trouvant aujourd’hui en Croatie, connue sous le nom de Rijeka. Antoine de Séegner apparaît dans quelques sources italiennes comme « Antonio Seegner » (second « Concepista » auprès du magistrat de Fiume en 1859, puis « secrétaire du magistrat civique, en tant que secrétaire de la commission centrale politico-sanitaire » de la ville, en 1865.

Le mariage de César donne lieu à la naissance d’un enfant ; Antoine Auguste Eugène Noël de Séegner, naît le 25 décembre 1882 au 30 rue Delambre, dans le 14ème arrondissement (Archives de Paris, 1882, registre des naissances, 14 V4E 4498, vue 4). César est identifié comme « peintre photographe » et est âgé de 28 ans. Pour l’année 1893-94, on trouve trace d’un « Tony de Séegner » au Collège Stanislas, très probablement le surnom d’Antoine. En 1895, une dernière mention est faite de l’atelier de photographie de César sis au 30 rue Delambre dans les « Listes Et Adresses Des Photographes » (Nineteenth Century Collections Online, New York Public Library, GALE|FZCWLV624998916). Cette publication relève les adresses des ateliers existants en 1894, l’activité de César ayant cessé à la fin de cette même année.

En janvier 1896, on trouve trace du couple dans la presse, qui participe à une vente sur licitation de 23 lots d’immeubles situés sur le territoire de Levergies (Aisne). Dans ses édition du 19 mars, puis du 10 mai 1896, le Journal de Saint-Quentin précise que « Madame Marguerie-Marie-Joséphine Dumay » bénéficie du statut d’épouse « assistée autorisée »  pour participer à la vente, par son mari « Ignace-André-César de Seegner, artiste peintre, demeurant à Fiume (Autriche-Hongrie) ». Il s’agit de la dernière information propre à César en France que j’ai pu trouver.

Est-il parti définitivement à Fiume ? Est-il revenu en France ? Quel métier exerçait-il après avoir vendu son fonds de photographie ? Les informations sont rares de 1895 à 1902, date à laquelle on apprend que son décès est survenu peu de temps avant. Je n’ai pas trouvé trace de son décès à Paris ou en France pour le moment. César étant citoyen autrichien, son décès a pour conséquence la naturalisation de son fils, dont la mère est française (Bulletin des lois de la République française le 1er janvier 1902). Au cours de la même année, on trouve sa fiche matricule selon laquelle il réside au 16 rue de Maubeuge dans le 9ème arrondissement de Paris (même adresse que dans le document précédent). Il est décrit comme « fils de feu André César » et placé dans l’Armée active de l’École centrale (Antoine Auguste Eugène Noël de Séegner, Matricule 990, D4R1 1187). Le 4 octobre 1903, son nom est cité dans le Journal office après son admission au concours d’entrée à l’École centrale des arts et manufactures (information également publiée dans le Génie civil, édition du 10 octobre 1903). Selon son relevé d’activités militaires, il est appelé sous les drapeaux lors de la Première Guerre mondiale, mais cet appel semble trahir un manque de suivi puisqu’il est déclaré mort à Lucerne (Suisse), alors toujours élève à la même École, le 21 juillet 1906. Il est inhumé au cimetière du Montparnasse six jours plus tard, le 27 (Cimetière du Montparnasse, Registre journalier d’inhumation 1906, MTP_RJ19061907_01, ordre n°547, vue 2). L’édition du 25 juillet 1906 du Figaro fait mention de sa disparition, de même pour l’Univers, le 27 juillet. Cette dernière source nous informe que les obsèques ont été célébrées le 1er août à midi, à l’église Saint-Pierre-de-Montrouge du 14ème arrondissement. En 1909 et en 1910, une certaine « Mme M. de Ségner » indique, dans les Avis mondains  du Figaro, qu’elle se trouve à Montauban (Tarn-et-Garonne), sans savoir s’il s’agit bien de l’épouse du feu photographe. En 1926, la veuve de César, Marguerite Marie Joséphine née Dumay, est domiciliée au 246, boulevard Raspail (14ème arrondissement de Paris. Elle est mentionnée dans le dénombrement de population comme Marguerite « de Seigner » (1926, 14, Montparnasse D2M8 268, vue 455). Au moment où son décès est déclaré, le 22 août 1937. Elle est inhumée au cimetière du Montparnasse le 25 (Cimetière du Montparnasse, Registre journalier d’inhumation, 1937 MTP_RJ19371939_01, ordre n°921, vue 18).

Voici donc ce que quelques recherches en ligne ont pu révéler. J’aurais aimé trouver plus d’informations sur César, au moins connaître la date et le lieu exacts de sa mort, mais aussi découvrir d’autres photographies ou la localisation actuelle de son fonds. La prochaine étape serait de se rendre aux Archives nationales pour consulter le dossier de Monsieur Depiquegnot, les Archives de Paris pour en apprendre davantage sur la naturalisation d’Antoine de Séegner en 1902 (avec d’éventuels informations sur le décès de son père), ou encore l’École centrale des arts et manufactures, dont le dossier d’Antoine peut contenir des éléments biographiques). Le musée Rodin serait aussi un interlocuteur de choix, bien que César n’apparaisse pas dans la liste des correspondants d’Auguste Rodin.

Ajout du 2 juillet 2023 : Claude Pérez, chercheur et écrivain spécialiste de Paul Claudel, m’a écrit le mois dernier pour m’apporter une aide décisive. Ainsi, je parviens à trouver deux pistes concernant les premières réutilisations de la photographie de Camille Claudel par César. Elles correspondent aux premières études documentées de la sculptrice.

La première source date du mois de 1898. En effet, l’homme de lettres franco-suisse Mathias Morhardt y insère un papier précurseur et sobrement intitulé Mademoiselle Camille Claudel et paru dans le Mercure de France (disponible sur Gallica). En une quarantaine de pages, Morhardt rend déjà hommage à l’artiste avec une biographie très documentée. Figure ainsi, dans ce numéro, le portrait photographique de César. Cependant, ni Retronews ni Gallica ne proposent de numérisation satisfaisante du cliché. Sur une offre d’achat du numéro proposée par Abebooks, la photographie est mieux visible :

Camille Claudel, Mercure de France, mars 1898 (Abebooks)

Il s’agit très probablement de sa première réutilisation, qui plus est lorsque l’artiste était encore en activité, connue, certes, mais encore assez peu reconnue. Comme me le signale Claude Pérez, l’élément le plus intéressant se trouve en bas à droite : une signature (cliquer sur l’image pour l’agrandir). Malheureusement, cette image numérisée ne permet pas de bien lire le nom apposé. Il faut donc consulter une édition originale du journal, ou, comme ici, une compilation sous forme de volume. D’après Claude Pérez, il ne s’agit pas de la signature de César, peut-être alors celle du photolithographe qui a reproduit l’image, qui sait. Comment Morhardt s’est-il procuré cette photographie pour la reproduire ? Difficile à dire. Son billet, si bien fourni a dû prendre du temps à être rédigé, tout autant que celui nécessaire au travail d’édition du journal. Au début de 1898, César de Séegner était déjà introuvable. L’existence du cliché ne devait être connu que par un cercle restreint, Rodin, Paul Claudel, Camille elle-même ? Quoi qu’il en soit, il réapparaît, sous une autre forme éditée, 15 ans plus tard.

Pour la deuxième source, en effet, c’est bien son frère Paul qui, en juillet 1913, fait publier Camille Claudel, statuaire dans le numéro 193 de L’Art décoratif. Dans ce papier, auquel je n’ai pu accéder en intégralité pour le moment, Paul rend hommage à sa sœur et fait d’elle une artiste à part entière, et même meilleure que Rodin, son supposé maître et amant. Une première version du texte parut en 1905, mais celle de 1913 fait figurer une iconographie à la fois abondante et inédite de l’œuvre de Camille Claudel, par le biais de diverses photographies reproduites.

Première page de l’article de Paul Claudel « Camille Claudel, statuaire », dans L’Art décoratif, 1913 (Lémery, Tribvn, Musée Camille Claudel)

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un catalogue à proprement parler, l’article constitue, a minima, une documentation précieuse dont l’objectif s’inscrit dans le prolongement de celui initié par Morhadt, c’est-à-dire visant à faire connaître la vie et l’œuvre de Camille Claudel. Pour se faire, son frère Paul utilise également la photographie de César, visible ci-contre. Par chance, cette première page de l’article a été mise en ligne sur le site officiel du Musée Camille Claudel. Le site internet Spectacles Sélection documente même l’apparition de cette page lors de l’exposition Camille Claudel, Paul Claudel : le rêve et la vie, tenue en 2018 dans le même musée. Paul aurait-il vu ce cliché dans la publication de 1898 que nous évoquons ? Peut-être. Autre élément intéressant : cette signature de la main de Camille au bas de la photographie (voir l’image agrandie). Il s’agit probablement d’un montage de son frère faisant apposer l’écriture manuscrite à l’image de César. Il est primordial de rappeler le contexte dans lequel cet article est paru : en 1913, Camille Claudel est internée de force, à l’instigation de son frère, dès le mois de mars. L’année précédente, elle avait détruit une partie de ses œuvres dans son atelier (voir l’article très complet de Retronews). Il y a très peu de chance que la photographie de César ait pu demeuré entre les mains de Rodin. De fait, Paul Claudel le tenait pour responsable de la psychose de sa sœur. Difficile donc d’établir comment, comme nous l’évoquions au début de l’article, les photographies de César, dont celle-ci, sont parvenues au Musée Rodin en 1916.

Finalement, dans les biographies de Camille Claudel, la photographie de César de Séegner n’est que citée et utilisée, mais pas d’information sur son auteur. Cette photographie fait toujours figure de totem, voire d’icône, à l’image du portrait de Rimbaud par Carjat. Ce lien, fait plus haut par l’association à Paul Claudel, est, à mon sens, un élément à étudier. Un album Flickr propose une iconographie très complète de Camille Claudel, comprenant photographies (parfois retouchées) et œuvres de l’intéressée.

Ouvrages sur Camille Claudel utilisant la photographie de César pour illustrer la première de couverture

La photographie de Camille Claudel par César a également été utilisée dans les monographies parues durant ces dernières décennies : elle figure sur la quatrième de couverture de l’ouvrage Camille Claudel: 1864-1943 (Gallimard, 1986). Sur son site internet, Reine-Marie Paris, descendante de Camille Claudel, propose également d’autres photographies de la sculptrice, avec pour fond de site internet ; la photographie de César. Anne Delbée, dans son ouvrage Une femme, Camille Claudel (première édition en 1982 chez Le Livre de Poche, puis d’autres dont celle chez Fayard en 1998), fait de la photographie de César son illustration en première de couverture. La sélection d’ouvrages ci-dessus montre à quelle point cette photographe, dont la genèse est méconnue, a été réutilisée de nombreuses fois. Avec la redécouverte historico-artistique de Camille Claudel, non plus limitée à un rôle d’élève-muse talentueuse, mais artiste à part entière, les années 1980 dépoussièrent cette figure oubliée, dont la biographie est intrinsèquement liée à l’activité d’artiste qui lui a été volée. En 1988 sort sur les écrans le film Camille Claudel de Bruno Nuytten, avec Isabelle Adjani pour incarner la sculptrice et Gérard Depardieu dans la peau d’Auguste Rodin (dont le goût pour les femmes semble tristement faire écho à son personnage aujourd’hui). Ce film fait définitivement resurgir la figure de Camille Claudel au yeux du grand public, dont l’œuvre et la vie sont montrées avec le spectre de la photographie de César :

C’est d’ailleurs en évoquant ce film que l’article consacré à la photographie de César débute sur le site internet du Musée Rodin. Talent précoce et cultivé dans l’ombre de Rodin, qui semble l’avoir lui-même détruit, Camille Claudel a désormais sa place dans l’histoire de la sculpture. Néanmoins, son œuvre a été redécouverte avec sa biographie. Son art est, dès lors, inséparable du sort qui lui a été réservé. Cette image juvénile a donc dépassé la volonté même de son créateur, César, puisque son usage contemporain l’érige, d’une certaine manière, en icône. Contrairement au Rimbaud de Carjat, il existe beaucoup d’autres photographies de Camille Claudel, mais celle-ci est surreprésentée dans tous les documents produits à son sujets.

Parutions récentes réutilisant de manière stylisée la photographie de César

Le cliché est même réutilisé dans les bandes dessinées et livres pour enfants, sa force et sa franchise n’ont pas fini de circuler et de parapher notre inconscient collectif. Récemment, le 19 mars 2023, France Télévisions diffuse un documentaire en quatre épisodes intitulé Camille Claudel, artiste maudite (Pauline Dordilly, Henri Desaunay et Anthony Santoro), avec un visuel qui réutilise le portrait réalisé par César, animant ses cheveux.

Camille Claudel, artiste maudite (France 3, mars 2023, Pauline Dordilly, Henri Desaunay et Anthony Santoro)

Reste à savoir, alors, ce qu’il est advenu de César et de son fonds photographique. D’autres photographies de l’atelier de Rodin et de Camille Claudel se trouvent-elles encore ailleurs ?

Alexandre Wauthier