Récit d’un mix amical

Début novembre, le lendemain de mon anniversaire, est sorti un mix mis au point par un ami musicien. Il m’avait invité à collaborer en choisissant le thème et la playlist, voici le résultat :

Comme c’est l’objet de l’article, je préfère le partager dès le début. Cela rendra peut-être la lecture plus confortable. L’objet de cet article, c’est aussi un prétexte pour parler de cet ami, tant à titre artistique qu’à titre biographique pour lui et autobiographique pour moi. C’est un peu comme l’article sur Claudia, que j’avais pris beaucoup de plaisir à écrire, il n’y a pas si longtemps. Alors, comment en est-on arrivé là ? À proposer une playlist d’une heure, avec ma dégaine de faux aventurier, en guise d’illustration.

L’histoire commence sur les bancs de l’université de Reims, sur le campus de Lettres et sciences humaines. Ça devait être en deuxième année de licence. On étudiait l’histoire. À l’époque, je fumais. Il faut croire que ça crée des liens, quand tu te rends compte qu’une autre personne est capable d’aller dehors pour s’intoxiquer en bravant le froid et la pluie. On a dû se croiser auparavant, on était aussi en première année de licence, mais on n’a pas dû se calculer, peut-être un « merci » si l’un de nous deux a tenu la porte à l’autre, une fois. En tout cas, le souvenir marquant de cette rencontre doit dater de l’hiver 2013-2014. Il faisait froid, les plaines de Champagne font que le vent sec et froid était paralysant en hiver. De quoi démotiver un étudiant à aller sur ce campus aux coquilles. Pourtant, on était bien là. Je me souviens du bâtiment de recherche, de son amphithéâtre, d’un cours d’histoire médiévale. Cette matière ne m’intéressait pas vraiment à l’université, ce qui est paradoxal puisque je suis dorénavant fasciné par certains moments de cette longue histoire, et par certains médiévistes, qui ont un rapport novateur à l’historiographie.

Dans ce cours, je me souviens avoir d’avoir planché sur Les sept arts libéraux représentés dans l’Hortus deliciarum d’Herrade de Landsberg (1180). Pour le coup, ce travail m’avait fasciné, car il traitait d’histoire de l’art et d’une conception compartimentée de l’enseignement à l’époque médiévale. Je crois que, dans cet amphithéâtre, nous devions choisir nos sujets. J’avais pris celui-ci un peu au hasard. Dans cet amphi, j’ai le souvenir d’avoir parlé de musique à Victor pour la première fois. On a dû prêter un briquet, avant. Mais là, on a évoqué un sujet qui nous intéressait tous les deux. L’amitié n’est pas née tout de suite, mais elle s’est construite par la camaraderie, en L2, il y a maintenant plus d’une décennie (!). À l’époque, c’était une bouffée d’oxygène, ou plutôt, de monoxyde de carbone 🚬, de pouvoir parler d’artistes musicaux variés avec une personne qui n’a pas besoin de prendre de notes pour les écouter plus tard.

Parmi ces artistes musicaux, il y avait des groupes de krautrock. Ce genre musical, « rock choucroute », est donc originaire d’Allemagne et a émergé à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Il caractérise une période d’expérimentation musicale outre-Rhin, notamment en réaction à la musique pop anglo-américaine dominante de l’époque. Les groupes de krautrock comme Can, Neu!, Faust, Kraftwerk et Tangerine Dream ont exploré des sons avant-gardistes, combinant des éléments de rock progressif, de musique électronique, de jazz et de musique répétitive minimaliste. Rien que le fait d’évoquer les 3 premiers me remet dans l’ambiance. Impossible de les découvrir une deuxième fois. Mon compte Last.fm a enregistré, à l’époque, cette lubie particulière éprouvée à l’égard des musiques de Can, NEU! et Faust. Plus particulièrement, je me souviens de la découverte du premier album, éponyme, de Faust, paru chez Polydor en 1971. Une écoute, deux écoutes, trois écoutes… il faut vraiment prendre son temps pour adhérer et comprendre, mais cet ovni musical précoce ouvre les oreilles à d’autres horizons expérimentaux. Et surtout, au-delà de ces groupes (légitimement) phares du krautrock, il y a une multitude d’autres formations dont la musique est à explorer, c’est comme une chasse aux disques du passé, à la recherche des sonorités oubliées. Moi, je découvrais tout ça, sur le tas. À l’époque, j’avais commencé à utiliser Rateyourmusic pour découvrir des genres musicaux et des produits d’hier et d’aujourd’hui. C’est, encore aujourd’hui, une mine d’or que j’utilise fréquemment. C’en était une pour le krautrock.

Les œuvres musicales rattachées à ce mouvement sont souvent marquées par des rythmes hypnotiques, des structures non conventionnelles, et une grande utilisation de l’improvisation et des instruments électroniques, influençant par la suite de nombreux genres musicaux, y compris la musique ambient, l’électro et même certains aspects du post-punk. Avec Victor, on a donc beaucoup parlé du krautrock et de son influence. Un aspect a particulièrement alimenté nos discussions : l’héritage du motorik dans la rythmique des compositions de musique rock et électronique.

Pour faire très simple, le motorik est un rythme répétitif et hypnotique qui a émergé durant le krautrock, popularisé par les mêmes groupes précédemment cités. Il se caractérise par un motif rythmique en 4/4, simple et régulier, souvent décrit comme « bum-tchack », évoquant un mouvement continu et mécanique. Ce rythme, associé à des lignes de basse et de guitare linéaires et enrichi par des éléments électroniques ou improvisés, crée une sensation de propulsion et de voyage. Le meilleur exemple reste Hallogallo de NEU! (1972).

À l’époque, je suivais d’assez prêt l’activité musicale de Victor sur la scène rémoise. C’était l’occasion de vivre un peu de l’intérieur tout ce qui implique le fait de produire de la musique. Il y avait eu, quelques années plus tôt, un engouement au moins national pour la scène musicale rémoise. En recherchant sur internet, je vois que Le Monde en parlait en 2008 et les Inrocks en 2012.

Victor au Centre Pompidou, décembre 2024.

En parallèle, on se retrouvait toujours, avec Victor, pour étudier ensemble. Certains cours d’histoire étaient plus intéressants que d’autres. C’est avec lui que j’ai préparé un exposé sur le futurisme italien, réutilisé dans le 27e article de blog. Ce mouvement est toujours un sujet de discussion aujourd’hui, tout comme d’autres arts picturaux, comme le surréalisme. C’est pourquoi nous sommes allés, dernièrement, voir l’exposition proposée au Centre Pompidou.

J’ai peur de paraître prétentieux à parler de culture et à citer des noms, mais ce qui est encore plus appréciable, c’est que nous parlons de tout ça avec un humour très primaire qui annulerait presque les envolées lyriques. Il y a, dans nos discussions, de la culture, de la politique, mais aussi et surtout des blagues de mauvais goût ou des mèmes de bas étage. C’est ce qui fait le sel d’une amitié durable : à défaut de regarder des émissions nulles à la télévision, on diggait du contenu obscur de la culture internet. Le sacro-saint et feu compte Facebook Yolo Musique en était l’ultime preuve. Parmi les contenus improbables provoquant le rire gras, il y en avait un 100 % local, 100 % rémois. Durant la deuxième moitié des années 2010, le conseil départemental du tourisme de la Marne avait commandé des clips musicaux à Richard Gotainer pour mettre en valeur les atouts du département. Il y avait un clip, en particulier, qui nous avait marqués. On l’avait trouvé sur Yolo Musique, mais il semble avoir disparu d’internet, je ne garde qu’un extrait, le meilleur, sauvegardé pour l’occasion. J’espère en tout cas que ce clip est enregistré quelque part et ressurgira un jour. Autre contenu, autre ambiance : l’adaptation française de Pimp My Ride, autre trésor bien gardé sur le Web.

Les années passent, on obtient notre licence, puis notre master. Au printemps 2017, on rédige notre mémoire pour le soutenir en septembre. C’est à ce moment que Victor sort REIGI, un E.P. japonisant qui semblait être le plus en phase avec ce que j’écoutais à l’époque. Encore à ce jour, je crois qu’il s’agit de ma production préférée issue de son catalogue.

Il y avait quelques inspirations de Midori, d’autres de Susumu Yokota, mais mon coup de cœur a surtout été le morceau Otsuya. Après tout, c’est normal. J’écoutais beaucoup de gamelan, soit classique, soit inspirée, comme Macha. Je parle d’ailleurs de ce groupe dans le 26e article de blog, juste avant celui sur le futurisme. J’ai pu suivre de près la genèse de cet E.P. D’où venaient les samples de gamelan utilisé par Victor ? Par un projet japonais, l’orchestre qui a réalisé la musique du dessin animé Akira (1988), Geinoh Yamashirogumi. J’écoutais les premières versions de ces titres chez lui. Les voir sorties définitivement ressemble à un accomplissement, un peu comme certains articles que j’ai écrits ici, après des heures de recherche.

À l’automne 2017, Victor et moi avons quitté Reims pour Paris. Comme les autres Parisiens, nous avons trouvé moins de temps pour nous voir. Je me souviens d’être allé voir un concert à la Fnac de Saint-Lazare et d’être passé chez lui une paire de fois, peut-être à raison d’une à deux fois par an. J’écoutais toujours ce qu’il faisait. Son morceau Vivarium avait même rencontré un certain succès.

On est loin du motorik, mais j’y vois constamment un héritage, même lointain. D’ailleurs, Victor m’a confié que, malgré le fait que Vivarium ait été produit à la va-vite, il s’agit du titre le plus écouté de sa discographie. Le morceau a notamment trouvé son public dans les pays d’Europe de l’Est. Ce n’est pas un hasard s’il a été retenu et utilisé dans le film documentaire de Roman Blazhan THEBASEMENT (2024). Victor est allé voir la projection il y a quelques semaines. Il a essayé de me décrire le sentiment étrange qui l’avait envahi lorsque son morceau apparaissait, à deux reprises et à quelques minutes d’intervalle. Le documentaire est actuellement diffusé sur Arte, avec pour titre Enfermés par les Russes, Yahidne 2022 :

De 2017 à 2024, on s’est vu comme ça, épisodiquement, mais toujours avec la même envie de rigoler. En une soirée, on note chacun 2 ou 3 noms d’artistes ou de groupes, c’est tout. Le reste de la soirée, on parle d’autre chose, il n’y a pas d’esprit catalogue, et c’est tant mieux. Les choses sont allées vite pour moi à Paris. C’était un rythme très différent par rapport à Reims. Je parle rapidement — et indirectement — de mon rapport à cette ville dans le 50e article de ce blog, dédié à Claudia Fickat. Quoi qu’il en soit, je ne regrette pas d’avoir quitté Reims, car j’ai identifié Paris, dès mon arrivée, comme un terrain de jeu plus grand. Le Grand Jeu, la soif de découverte, les rencontres nombreuses et aléatoires ont façonné ma manière d’être aujourd’hui, bref. Je parle de moi, mais je suis content que cette amitié avec Victor ait pu être exportée et maintenue d’une ville à l’autre.

2022, Victor sort son album. J’ai eu l’occasion de voir un peu comment il préparait le packaging, c’est-à-dire avec beaucoup de créativité. Mount Apeiron sort à la fin du mois de novembre. Les morceaux sont tous très propres. Il y a un côté froid et industriel qui sied à la saison. Rien qu’à écouter à nouveau cette parution, je me souviens que je lui avais parlé du groupe Loop Guru, qui faisait de l’ambient dub. J’y retrouve quelques traces çà et là dans l’album.

J’avais bien aimé Altitude Sickness, justement. Il y a une sorte d’interlude planante qui rappelle les groupes indés et expérimentaux des années 1990-2000. Bien entendu, j’ai acheté mon exemplaire de son album, qui compte parmi les rares autres cassettes de ma collection. Fin 2022, cela coïncide avec le lancement de son show SHAPE/SHIFT, diffusé sur LYL Radio. FORME slash MOUVEMENT, de quoi suggérer un contenu musical ambient et expérimental, mais pas que. Il y a une volonté de montrer, à travers chaque mix, la richesse de l’existant.

2024, nouveau rebondissement : Victor et moi nous sommes spécialisés dans le monde des bibliothèques. Il n’y avait pas de destiné, mais une tendance qui confirme de choix, au sortir d’études en sciences humaines et sociales. À la fin de l’hiver 2024, il m’avait prévenu qu’il avait fait sa candidature là où je travaille. Il a ensuite eu droit à un entretien, on s’est vu après. J’étais stressé pour lui de connaître l’issue. Avril 2024, le 1er, je crois, il commence son contrat.

J’étais très content de retrouver, 10 ans plus tard, cet ami que je voyais occasionnellement. Finalement, 2024 a été l’occasion de se marrer à chaque pause déjeuner comme nous le faisions le soir, en semaine, durant les années précédentes. J’ai souvent noué des amitiés avec d’anciens collègues, le cheminement inverse m’était jusqu’alors inconnu. On parle, on parle, on rigole, puis Victor a l’idée de me faire participer à un mix pour LYL Radio. Je garde l’idée en tête. En septembre 2024, je prépare 3 playlists avec des morceaux ayant comme traits communs des aspects divers : Création du monde, une sélection de mes morceaux préférés d’ambient, Moteur, pour rendre hommage — et tenter de franciser — le motorik. Enfin, il y avait Origine, qui contient une liste de morceaux réalisés par des femmes et où la voix a toute son importance. J’ai un peu hésité entre les deux dernières : j’avais à cœur de rendre hommage au motorik, qui n’est pas qu’une rythmique, mais qui est le ciment symbolique d’une amitié née une décennie plus tôt. Je tenais aussi à rester dans un catalogue récent et partager des morceaux de musiciennes indépendantes, tant pis, une autre fois, peut-être.

Une méthode de travail qualitative et quantitative, octobre 2024.

Mon choix était donc fait. Néanmoins, rendre hommage au motorik n’est pas si évident : à quoi bon proposer une énième playlist contenant du Can, NEU! ou Faust, comme évoqué au début de l’article ? Il y a souvent une démarche historique dans tout ce que j’entreprends, mais là, ç’aurait été too much ! J’ai donc puisé dans quelques playlists, j’en avais une sur Senscritique, La magie du motorik, une sur Spotify et celle de Victor, également sur Spotify. Pour faire un mix d’une heure, il y avait déjà trop de matériel. Le mois de septembre a été consacré à la réécoute des morceaux dont la rythmique s’inspire, de prêt ou de loin, de la musique produite et léguée par les groupes de krautrock. À travers les décennies suivantes, les groupes expérimentaux se sont rapidement approprié le motorik. Outre-Manche, il y a eu le remarquable groupe This Heat, dès la fin des années 1970. J’espère un jour pouvoir écrire un article sur eux. Toutefois, c’est à travers le Post-Rock, terme générique qui qualifie, grosso modo, tous les groupes indépendants et expérimentaux des années 1990-2000, en dépit de leurs disparités. D’ailleurs, au-delà des groupes rattachés, de gré ou de force, à ce mouvement, je me souviens que Victor et moi citions quelques groupes indés de cette époque, très connus maintenant et qui ont été inspirants pour nous ; notamment certains morceaux de MGMT, le premier album de Klaxons.

J’écoute encore beaucoup d’albums de ces deux décennies. Il y en a certains dans la liste. Cette liste, donc, je l’ai épurée pour ne garder qu’une vingtaine de titres, ce qui était toujours trop. Comme j’ai l’habitude de travailler sur des tableurs, j’ai exporté les données de ma playlist trop pleine pour quantifier et renseigner les moments que je voulais faire passer dans le mix : dans un morceau de 10 minutes, on peut se passer de la monotonie du motorik pour, a minima, les 3/4 de la durée totale. L’essentiel de la tâche, et non des moindres, est de capter le passage cathartique avec d’abord le cheminement qui fait parvenir au climax, puis une descente tranquille pour assurer une bonne transition. La capture d’écran que je fais figurer a été élaborée en octobre 2024. Finalement, on s’en sort en une heure et quelques minutes. Tout va bien.

Ce que je n’avais pas prévu #1, c’est un problème d’agenda, ou plutôt un problème cognitif : il m’a dit qu’on se retrouvait tel jour, j’ai compris après le travail. Or, j’aurais dû poser une journée pour que nous puissions travailler sur le mix tranquillement. Oups, raté. J’ai manqué l’occasion de mixer au sens propre. Heureusement, Victor a assuré et a pris la liberté de réorganiser la playlist : moins de titres, ordre de diffusion différent. Après tout, moi j’écris sur la musique, lui, il écrit la musique (jolie punchline, Alexandre. Merci, Alexandre).

Ce que je n’avais pas prévu #2, c’est l’aspect lié à la communication de l’évènement. Un musicien indépendant doit tout faire. Ici, nous devions concevoir un visuel pour illustrer la parution de ce mix. Que proposer ? Je vois que Victor utilise son image à coups de portraits suggérés et de profils aux couleurs sombres. Je n’ai pas ça en stock, je ne veux pas avoir l’air prétentieux. J’ai trouvé en puisant dans mes photos de vacances. En février, j’ai eu la chance de visiter la Cappadoce. Cette zone centrale de la Turquie a la particularité de voir ses températures changer drastiquement d’une saison à l’autre. C’est aussi l’un des effets du réchauffement climatique, ces changements sont de plus en plus extrêmes et adviennent en l’espace de peu de temps. Quoi qu’il en soit, il y avait, en février, un côté far west, mais froid. Motorik → moteur → un camion avec un vieux moteur. L’image est-elle capillotractée ? Certes, oui, mais je n’avais que ça en tête. En regardant les autres photos, j’avais aussi en stock cette photo, à droite, avec des chiens sauvages envieux du sandwich qui avait passé la journée dans la poche de mon manteau, et que je ne voulais absolument pas gaspiller.

Le visuel, c’est bon. Victor n’en a eu que pour 5 minutes afin de coller un filtre et styliser la photo d’origine. Maintenant, le résumé. il avait déjà tout fait et proposé ce petit texte, qui n’est finalement que l’introduction — in English! — du contenu de cet article :

Après 13 shows en solo, il est temps de vous présenter mon premier invité sur Shape/Shift. Alexandre Wa et moi nous sommes rencontrés il y a une dizaine d’années alors que nous étudiions l’histoire à l’université, nous avons immédiatement partagé un intérêt commun pour la musique étrange, les arts et les mèmes idiots. Des années plus tard, nos chemins se sont à nouveau croisés puisque nous sommes désormais collègues dans la même bibliothèque de recherche. Mais assez de bavardages. Comme moi et plus encore, Alexandre est un grand passionné de krautrock. C’est la raison pour laquelle je l’ai invité à concevoir un collage périlleux, mais épique d’une heure de rythmes motorisés. Attachez votre ceinture et préparez-vous pour une balade hallucinée sur l’autoroute !

LYL Radio, SHAPE/SHIFT with Alexandre Wa, 5 novembre 2024.

« Mais assez de bavardages », ça, c’est une phrase de Victor, pas de moi. Ça se saurait, sinon ! Justement, après avoir beaucoup bavardé, je conclus en faisant un bref commentaire des morceaux de ce mix. Je suis content qu’il commence par The Birds of Pork, c’est l’un de mes titres motorik préférés. Idem pour Pere Ubu, le groupe est connu pour sa musique expérimentale, mais Heart of Darkness n’a jamais été publié sur un album. Il était sorti sur single. Finalement, comme je l’évoquais plus haut, il y a beaucoup de titres des années 1990 et 2000. La résurgence du krautrock et du motorik témoigne d’un intérêt profond manifesté par les groupes de rock indépendant qui ont voulu expérimenter. D’ailleurs, dans le rock indé, j’ai souvent perçu une structure souvent héritée du Velvet Underground et de Wire, le groupe de post-punk britannique. Entre ces deux groupes, il y a le krautrock, sans doute. C. Rock de Krisma est le titre que Victor et moi apprécions le plus. Il était dans nos playlists respectives sans que nous nous soyons passé le mot, avant même d’avoir l’idée de proposer ce mix. Pour ce qui est de Boredoms, le groupe japonais, je lui avais consacré un article, le 23e de ce blog. J’évoquais justement l’E.P. sur lequel figurait le morceau faisant partie du mix.

Le dernier morceau, Düsseldorf, devait être le premier. C’est Victor qui a préféré le mettre à la fin. Peu importe l’ordre, l’essentiel est que ce morceau soit bien là. Comme disait Fellini : « Il n’y a pas de fin. Il n’y a pas de début. Il n’y a que la passion infinie de la vie ». Düsseldorf, c’est un Hallogallo parallèle. Une sorte de trésor à moitié caché, plus tardif, mais tout aussi spectaculaire et appréciable. La gradation du morceau rappelle l’héritage de NEU! C’est normal, La Düsseldorf est un projet musical parallèle uniquement composé de 3 membres de NEU! : Klaus Dinger, Thomas Dinger et Hans Lampe. Düsseldorf, je me souviens, c’était le morceau que j’écoutais lorsque je me rendais à l’université à vélo. J’ai commencé à utiliser un vélo bleu Peugeot en licence. Comme le morceau dure 13 minutes, certains matins, j’espérais arriver à bon port avant qu’il ne soit terminé. D’autres matins, j’étais curieux de découvrir le titre aléatoire qui allait suivre. En tout cas, faire du vélo avec Düsseldorf dans les oreilles, c’est l’expérience la plus essentielle du motorik : écouter le mouvement et le produire. D’ailleurs, j’ai commencé à utiliser ce vélo au moment où j’ai rencontré Victor à l’université. Aujourd’hui, ce vélo bleu m’a lâché, après dix ans de bons et loyaux services à Reims et à Paris. Pas mal, pour une monture trouvée dans une benne, retapée avec mon père et donnée à un ami, qui finalement me l’a prêtée une décennie.

En revanche, dix ans après, l’amitié évoquée dans ces lignes est toujours intacte. Si ce n’est pas assez explicite, je remercie Victor de m’avoir proposé de faire ce mix avec lui. Je doute qu’il soit beaucoup écouté, mais il se résume à ce que j’ai voulu faire et ce qu’il m’a été permis de faire : rendre hommage à cette rythmique magique. Cet article, c’est aussi l’occasion de constater qu’au-delà du premier niveau de lecture, ce mix veut dire beaucoup d’un point de vue social. Avec Victor, la culture n’a rien de pompeux, elle n’est pas nécessaire, ni n’est une fin en soi. Elle est seulement là pour être récréative et inspirante.

https://lyl.live/episode/shape-shift-14

Image d’illustration : Luigi Russolo, La Musica, 1911 (Estorick Collection of Modern Italian Art). 🎨 Cliquer ici pour voir l’ensemble de la peinture 🖼️.

Alexandre Wa